Il
y des matins
Il
y a des matins
Tout
exprès pour le départ
de
ceux qui veulent oser.
Des
matins où le jour arrive si lentement
que
c’est à peine si l’on distingue
les
lueurs laiteuses qui imprègnent les nuages.
Ces
matins-là ne portent pas d’espoir.
Ils
tirent péniblement,
de
derrière de lointains invisibles,
une
aube triste et sans vie.
Ce
sont des matins sans oiseaux,
où
la seule vie du ciel
est
de pluie et de vent.
Tout
se déchire lentement,
comme
si le jour était trop faible
pour
effacer ce qui reste de nuit.
Et
c’est parce que, dans ces matins-là,
il
faut que des hommes fabriquent eux-mêmes
l’espoir
à partir de rien,
que
seuls ceux qui sont forts oseront s’embarquer.
Mais
ceux-là iront loin, qui portent en eux une aube
plus
lumineuse que celle
qui
s’efforce d’éclairer le fleuve.
Ils
iront tout le jour, sans se lasser,
à
la rencontre d’un crépuscule
dont
ils souhaiteront prolonger la vie
jusqu’au
cœur de la nuit.
Bernard
Clavel
«
Le Seigneur du Fleuve »
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